Note sur la Loi du 18 juillet 2014

Par une Loi du 18 juillet 2014[1], le Luxembourg a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité ouverte à la signature à Budapest le 23 novembre 2001 (ci-après : la Convention de Budapest), ainsi que le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination de certains actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques, fait à Strasbourg le 18 janvier 2003[2].

Nous soulignons l’importance de la Convention de Budapest, alors que celle-ci a également été signée par des Etats non-membres à cette organisation[3], ce qui lui confère un champ d’application territorial très large.

Sous une première section, la Convention de Budapest énumère les comportements qui doivent être réprimés par les législations nationales. Ceux-ci étant déjà couverts par les articles 509-1 et suivants du Code pénal[4], la Loi du 18 juillet 2014 vise donc essentiellement à parfaire et à compléter les textes luxembourgeois (A).

Les modifications apportées par la nouvelle législation concernent principalement les règles de procédure pénale reprises sous la deuxième section de la Convention de Budapest. Tandis que certaines pratiques, implicitement couvertes par le Code d’instruction criminelle, sont désormais expressément consacrées, d’autres procédures ont été créées (B).

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Dans le cadre d’une affaire X et autres c. Autriche, qui a débouché sur un arrêt rendu en date du 19 février 2013 par la Grande Chambre, la Cour EDH avait à connaître d’une requête formulée par trois requérants à l’encontre de l’Autriche et dont les faits à la base peuvent se résumer comme suit (§§ 9 et s.) : la troisième requérante (C) a donné hors mariage naissance à un enfant (B), le deuxième requérant, qui a été reconnu par son père et placé sous l’autorité parentale exclusive de sa mère, donc de la troisième requérante. Or, depuis son cinquième anniversaire, (B) vit dans un même foyer avec (C) et (A), la première requérante, (A) et (C) entretenant une relation homosexuelle stable et s’occupant ensemble de (B). (A) a voulu officialiser cette situation de fait et adopter (B), l’enfant de (C).

(A) et (C) préparaient donc une convention d’adoption qu’elles soumettaient pour homologation aux juridictions autrichiennes.

Or, en vertu de l’article 182, § 2 du Code civil autrichien « en cas d’adoption d’un enfant par un couple marié, les liens juridiques familiaux – autres que le lien de filiation lui-même (article 40) – existant entre, d’une part, les parents biologiques et les membres de leur famille, et, d’autre part, l’enfant adopté et ceux de ses descendants qui sont mineurs au moment où l’adoption prend effet, sont rompus à ce moment, sous réserve des exceptions prévues à l’article 182a. Dans le cas où l’enfant n’est adopté que par un père adoptif (ou une mère adoptive), seuls ses liens familiaux avec son père biologique (ou sa mère biologique) et la famille de celui-ci (ou de celle-ci) sont rompus. Dans le cas où les liens avec l’autre parent subsistent après l’adoption, le juge les déclare rompus si le parent concerné y consent. La rupture des liens intervient à la date où la déclaration de consentement est formulée, sans pouvoir être antérieure à la date de prise d’effet de l’adoption. ».

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Par un arrêt du 8 janvier 2013 (n° 24/13 V), la Cour d’appel a donné des précisions sur l’élément constitutif de la publicité de l’injure délit sur les réseaux sociaux. Pour que l’infraction à l’article 448 du Code pénal soit donnée, il faut en effet qu’une des circonstances de publicité édictées par l’article 444 du même Code soit constituée.

Pour être punissables de peines délictuelles, les injures doivent avoir été proférées:

  • Soit dans des réunions ou lieux publics;
  • Soit en présence de plusieurs individus, dans un lieu non public, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter;
  • Soit dans un lieu quelconque, en présence de la personne offensée et devant témoins;
  • Soit par des écrits imprimés ou non, des images ou des emblèmes affichés, distribués ou communiqués au public par quelque moyen que ce soit, y compris par la voie d’un média, vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public;
  • Soit enfin par des écrits, des images ou des emblèmes non rendus publics, mais adressés ou communiqués par quelque moyen que ce soit, y compris par la voie d’un média, à
    plusieurs personnes.

En l’occurrence, une personne avait rédigé des messages injurieux (le caractère injurieux des propos rédigés a été reconnu par la Cour) sur le mur d’un de ses amis sur Facebook. La personne visée par ces messages en a eu connaissance et a cité l’auteur de ceux-ci devant le Tribunal correctionnel par voie de citation directe. L’auteur a argumenté que l’accès au mur de son ami aurait été exclusivement réservé aux amis de ce dernier, de sorte que les messages y publiés n’auraient pas été accessibles au public. Le groupe de personnes ayant eu un accès à ses messages pourrait être qualifié de communauté d’intérêts et le contenu échangé par ce groupe conserverait un caractère privé. L’élément constitutif de la publicité exigé par l’article 444 du Code pénal ne serait dès lors pas donné.

Les juges du premier degré avaient suivi cette argumentation, en retenant qu’

En l’espèce, A) reste en défaut de prouver que le paramétrage du compte FACEBOOK de B) ne limitait pas la diffusion des messages aux seuls « amis » de cette dernière mais qu’il était accessible à d’autres personnes que le destinataire choisi ou quelques amis choisis, et qu’il était partant public.

La Cour d’appel a réformé cet arrêt en procédant à une analyse détaillée des différents moyens de publication proposés par le réseau Facebook:

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Le requérant BOULOIS avait fait sept demandes de congé pénal[2] qui ont toutes été rejetées par la commission pénitentiaire établie par la loi du 26 juillet 1986 relative à certains modes d’exécution des peines privatives de liberté.

Il avait attaqué les deux premiers refus par un recours introduit devant le tribunal administratif[3], mais les juges de première instance se déclarèrent incompétents pour connaître de la demande alors que le congé pénal constitue une décision « qui modifie les « limites » de la peine à laquelle l’intéressé a été condamné par la juridiction judiciaire », et qui est partant de nature judiciaire et non administrative[4].

La Cour administrative confirma ce jugement[5].

Le sieur BOULOIS introduisit par la suite un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après « la Cour EDH ») en invoquant une violation de l’article 6, §1 alors qu’il estimait avoir été privé de son droit au procès équitable et à l’accès à un tribunal dans le cadre des décisions de refus de ses demandes de congé pénal.

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Les réseaux sociaux[1], dont notamment Facebook, Google+, MySpace, Twitter et Linkedin offrent un espace d’échange rapide et facile entre leurs utilisateurs. Des millions de messages sont quotidiennement postés à des degrés de confidentialité différents sur des messageries internes ou sur des toiles publiques (notamment le fameux mur de Facebook).

Dans la mesure où la création de profils ou comptes d’utilisateur est particulièrement facile sur les réseaux sociaux, il arrive que des personnes ouvrent des profils sous de fausses identités. Il y a d’un côté le recours à des pseudonymes, de l’autre l’utilisation de l’identité d’autrui. C’est surtout cette deuxième hypothèse qui pose problème, en ce qu’elle peut aboutir à une véritable usurpation d’identité (I).

A côté de la création d’un profil en utilisant le nom d’autrui, on peut constater de plus en plus d’accès frauduleux au profil créé par son propriétaire légitime. Ces accès frauduleux peuvent aboutir à une véritable reprise de l’identité numérique d’autrui (II).

Dans la présente note, nous nous limitons à analyser les infractions directement liées aux créations et utilisations frauduleuses de profils de réseaux sociaux. En fonction des actes commis par l’auteur, d’autres infractions peuvent également être constituées. Nous pensons notamment aux calomnies, diffamations, injures et atteintes à la vie privée.

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L’article 12, §2, point 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques prévoit que:

La confiscation spéciale ou l’amende subsidiaire prévue à l’article 14 de la présente loi sera toujours prononcée, si le conducteur du véhicule a commis de nouveau un des délits spécifiés aux deux alinéas qui précèdent avant l’expiration d’un délai de trois ans à partir du jour où une précédente condamnation du chef d’un de ces mêmes délits sera devenue irrévocable.

Le conducteur qui conduit une nouvelle fois en état d’ivresse au cours d’une période de trois ans à partir du jour où une précédente condamnation du chef de conduite en état d’ivresse sera devenue irrévocable voit dès lors son véhicule confisqué. En utilisant les termes « sera toujours prononcée », le législateur n’a en effet pas laissé de marge d’appréciation aux Tribunaux.

La sanction édictée par l’article 12, §2, point 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 pouvant être particulièrement sévère, celle-ci a fait l’objet de nombreuses contestations.

Par un arrêt du 7 janvier 2011, la Cour constitutionnelle avait déjà retenu la conformité de cette disposition à l’article 10bis (1) de la Constitution (les Luxembourgeois sont égaux devant la loi).

Suite à une nouvelle question préjudicielle, elle a été appelée à se prononcer sur la conformité de cette disposition à l’article 14 de la Constitution (nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi). La question lui déférée était la suivante:

L’article 12, paragraphe 2, alinéa 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 combiné avec l’article 14 de la même loi et avec l’article 31, alinéa 3 du Code pénal sont-ils conformes à l’article 14 de la Constitution qui prescrit le principe de la légalité des peines,

dans la mesure où une peine, pour être légale, doit être déterminée, c’est-à-dire comporter un minimum et un maximum,

alors qu’aucun maximum n’est prévu ni pour la valeur du véhicule à confisquer, ni pour l’amende subsidiaire à prononcer au cas où cette confiscation s’avérerait impossible.

En l’occurrence, il faut relever que le prévenu avait roulé une voiture de sport d’une valeur importante. La confiscation de ce véhicule lui a naturellement causé un dommage plus important que la confiscation d’une vieille voiture de faible valeur. Or, la loi ne fait aucune différence entre ces deux situations: la voiture confisquée est celle conduite par le prévenu récidiviste au moment de la commission de l’infraction (conduite en état d’ivresse).

D’après le prévenu, la peine prévue par l’article 12, §2, point 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 ne serait dès lors pas spécifiée avec la précision requise par l’article 14 de la Constitution.

La Cour constitutionnelle, par un arrêt du 9 mars 2012 ( n° 00071 du registre), n’a pas suivi cet argument en retenant que:

Considérant que la peine, pour suffire aux exigences de la Constitution, doit être suffisamment déterminée, c’est-à-dire qu’elle doit en principe comporter un minimum et un maximum indiqués dans la loi ;

Considérant que dans le régime de la confiscation spéciale prévue aux articles 12 et 14 précités de la loi du 14 février 1955, le véhicule fait l’objet d’une confiscation en tant que bien qui a servi à commettre l’infraction et que, conformément aux dispositions de l’article 31 du Code pénal, la confiscation n’est prononcée que si le véhicule est la propriété du délinquant condamné ;

Considérant que l’article 12, paragraphe 2, point 3, de la loi du 14 février 1955 dispose que la confiscation spéciale ou l’amende subsidiaire sera toujours prononcée, si le conducteur condamné se trouve en état de récidive ;

Considérant que la confiscation spéciale s’analysant en une peine accessoire portant sur l’objet ayant servi à commettre l’infraction, en l’occurrence le véhicule, propriété du condamné en état de récidive, la peine se trouve par essence déterminée à suffisance, à travers la nature de l’objet à confisquer, sans qu’il n’y ait lieu à indication d’un minimum ou d’un maximum ;

Que pour l’amende subsidiaire, l’article 14, alinéa 3, de la loi du 14 février 1955 prévoit un maximum correspondant à l’objet visé par la confiscation en ce que l’amende subsidiaire ne dépassera pas la valeur du véhicule ;

Que dès lors, alors même que l’article 12, paragraphe 2, point 3 et l’article 14, alinéa 3, de la loi du 14 février 1955 n’indiquent ni un minimum ni un maximum de la peine encourue, les deux branches expressément formulées à l’appui de la question préjudicielle ne sont pas de nature à fonder une non-conformité de ces articles par rapport à l’article 14 de la Constitution ;

Considérant que d’une manière plus générale, la récidive s’analyse en une nouvelle infraction dans les conditions déterminées par la loi et après une condamnation coulée en force de chose jugée ;

Qu’elle comporte nécessairement un avertissement caractérisé dans le chef du condamné que s’il commet une nouvelle infraction dans un certain délai, la peine encourue s’en trouvera aggravée ;

Considérant que pour le cas de récidive le législateur est dès lors habilité à prévoir des peines aggravées qui sont en rapport avec l’objectif poursuivi et qui ne sont pas disproportionnées à celui-ci ;

Considérant qu’en prévoyant le caractère obligatoire de la confiscation dans les cas de récidive visés par l’article 12, paragraphe 2, point 3 de la loi du 14 février 1955, la loi répond à ces critères et n’a pas dépassé sa marge d’appréciation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que par rapport à la question préjudicielle posée, l’article 12, paragraphe 2, alinéa 3, combiné avec l’article 14, alinéa 3, de la loi du 14 février 1955 ensemble l’article 31, alinéa 3, du code pénal n’est pas contraire à l’article 14 de la Constitution ;

La Cour a partant confirmé la conformité de l’article 12, §2, point 3 de la loi modifiée du 14 février 1955 à l’article 14 de la Constitution.

Par une décision du 16 février 2012 (SABAM c/ NETLOG, n° C‑360/10), la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après: la Cour de justice) a retenu qu’un hébergeur n’a pas l’obligation de filtrer préventivement les contenus (en l’occurrence des œuvres protégées par les droits d’auteur) mis en ligne par des utilisateurs de son système.

La réponse apportée par les Juges communautaires prend en considération les directives

Dans le cadre de la présente note, nous nous pencherons plus particulièrement sur l’interprétation de la Directive sur le commerce électronique, transposée en droit luxembourgeois par la loi du 14 août 2000 relative au commerce électronique (ci-après: la « Loi relative au commerce électronique »). Les dispositions concernées par la décision du 16 février 2012 sont les articles 62 et 63 du texte luxembourgeois.

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L’article 3 de la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues dispose qu’

en matière administrative, contentieuse ou non contentieuse, et en matière judiciaire, il peut être fait usage des langues française, allemande ou luxembourgeoise, sans préjudice des dispositions spéciales concernant certaines matières.

Il est dès lors fréquent d’entendre des plaidoiries en français, allemand et luxembourgeois devant les juridictions luxembourgeoises. A condition que les parties maîtrisent la langue en question, il peut même arriver qu’un témoin dépose en luxembourgeois, un autre en allemand et que les plaidoiries se tiennent finalement en français.

Traditionnellement les jugements sont toutefois rédigés en français.

Dans une affaire récente, une partie avait critiqué ce fait, en demandant à ce que le jugement soit rendu en allemand.

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La loi du 16 juillet 2011 portant approbation de la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels ouverte à la signature à Lanzarote les 25-26 octobre 2007 et du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants a notamment apporté des modifications à l’article 384 du Code pénal.

Cet article dispose désormais que:

Sera puni d’un emprisonnement d’un mois à trois ans et d’une amende de 251 à 50.000 euros, quiconque aura sciemment détenu ou consulté des écrits, imprimés, images, photographies, films ou autres objets à caractère pornographique impliquant ou présentant des mineurs.

La confiscation de ces objets sera toujours prononcée en cas de condamnation, même si la propriété n’en appartient pas au condamné ou si la condamnation est prononcée par le juge de police par l’admission de circonstances atténuantes.

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Le règlement CE n° 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (ci-après « le règlement CE n° 261/2004″) prévoit notamment qu’

En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés:

a) se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 8;

b) se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 9, paragraphe 1, point a), et paragraphe 2, de même que, dans le cas d’un réacheminement lorsque l’heure de départ raisonnablement attendue du nouveau vol est au moins le jour suivant le départ planifié pour le vol annulé, l’assistance prévue à l’article 9, paragraphe 1, points b) et c), et

c) ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7, à moins qu’ils soient informés de l’annulation du vol:

i) au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue, ou

ii) de deux semaines à sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt deux heures avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de quatre heures après l’heure d’arrivée prévue, ou

iii) moins de sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt une heure avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de deux heures après l’heure prévue d’arrivée.

2. Lorsque les passagers sont informés de l’annulation d’un vol, des renseignements leur sont fournis concernant d’autres transports possibles.

3. Un transporteur aérien effectif n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 s’il est en mesure de prouver que l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises (article 5).

L’article 2 (l) du règlement CE n° 261/2004 précise que par « annulation » il y a lieu d’entendre

le fait qu’un vol qui était prévu initialement et sur lequel au moins une place était réservée n’a pas été effectué.

Dans l’affaire déférée à la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après: « la CJUE ») par la voie de la question préjudicielle, l’avion emprunté par les requérants avait décollé à l’heure prévue, mais en raison d’une défaillance technique de l’avion, le pilote avait décidé de faire demi-tour vers son point de départ, l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle. Les passagers avaient alors été transférés sur d’autres vols.

Plusieurs passagers ont assigné la compagnie aérienne en dommages et intérêts devant un tribunal espagnol (le lieu de destination du vol était Vigo en Espagne), pour inexécution du contrat de transport aérien. Ils ont notamment sollicité l’indemnisation visée à l’article 7 du règlement CE n° 261/2004 (vers lequel renvoie l’article 5 précité) à concurrence du montant forfaitaire de 250 euros chacun. L’un des requérants a encore réclamé le remboursement des frais qu’il a dû exposer pour son transfert en taxi de l’aéroport de Porto jusqu’à Vigo. Un autre requérant a demandé le remboursement de ses frais de repas pris à l’aéroport de Paris, ainsi que ceux liés au gardiennage de son chien durant une journée de plus que celle initialement prévue. Tous les requérants ont finalement demandé la condamnation de la compagnie aérienne à leur payer une somme supplémentaire au titre de la réparation du dommage moral prétendument subi.

Par un arrêt du 13 octobre 2011 (n° C‑83/10 – Sousa Rodríguez e.a.), la Cour de Justice de l’Union Européenne a retenu que:

la notion d’«annulation», telle que définie à l’article 2, sous l), du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, doit être interprétée en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, elle ne vise pas exclusivement l’hypothèse de l’absence de tout décollage de l’avion concerné, mais couvre également le cas où cet avion a décollé, mais, pour quelque raison que ce soit, a été par la suite contraint de retourner à l’aéroport de départ et où les passagers dudit avion ont été transférés sur d’autres vols.

Elle s’est également prononcée sur la notion d’«indemnisation complémentaire», mentionnée à l’article 12 du règlement CE n° 261/2004, en retenant que cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’

elle permet au juge national d’indemniser, dans les conditions prévues par la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international ou par le droit national, le préjudice, y compris moral, résultant de l’inexécution du contrat de transport aérien.

En revanche, cette notion d’«indemnisation complémentaire» ne saurait servir de fondement juridique au juge national pour condamner le transporteur aérien à rembourser aux passagers dont le vol a été retardé ou annulé, les dépenses que ces derniers ont dû exposer en raison du manquement dudit transporteur à ses obligations d’assistance et de prise en charge prévues aux articles 8 et 9 de ce règlement.

 

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