Arrêt n° 67 de la Cour constitutionnelle du 20 mai 2011

Les faits à la base de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 20 mai 2011 peuvent être résumés comme suit: le sieur X avait cité A, B et C par voie de citation directe devant une chambre correctionnelle du Tribunal d’arrondissement pour dénonciation calomnieuse à l’autorité (article 445 du Code pénal). En première instance, les cités directs avaient été condamnés au pénal et condamnés solidairement à payer à X du chef de préjudice moral la somme de 40.000.- euros. Sur appel des prévenus A, B, C et du Ministère public, la Cour d’appel avait acquitté les prévenus de l’infraction mise à leur charge et s’était déclarée incompétente pour connaître de la demande au civil présentée par X.

X a alors introduit un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

En se fondant sur l’article 412 du Code d’instruction criminelle (CIC) (« Dans aucun cas la partie civile ne peut poursuivre l’annulation d’une décision d’acquittement; mais si la décision a prononcé contre elle des condamnations civiles supérieures à celles demandées par la partie acquittée, cette disposition de la décision peut être annulée sur la demande de la partie civile »), A, B, C et le Ministère public ont conclu à l’irrecevabilité du pourvoi de la partie civile X.

X a notamment conclu à la contrariété de l’article 412 du CIC à l’article 10bis de la Constitution et a demandé à ce que ce problème soit renvoyé devant la Cour constitutionnelle.

Après avoir constaté que

le pourvoi en cassation est dirigé contre un arrêt d’acquittement des cités directs et que la Cour d’appel n’a prononcé aucune condamnation civile à charge du demandeur au civil ; que l’application de l’article 412 du Code d’instruction criminelle entraînerait donc l’irrecevabilité du pourvoi

la Cour de cassation (arrêt n° 1/2011 du 13 janvier 2011) a déféré les questions préjudicielles suivantes à la Cour constitutionnelle:

En ce qu’il prohibe le pourvoi de la partie civile contre une décision d’acquittement sauf si la décision a prononcé contre elle des condamnations civiles supérieures à celles demandées par la partie acquittée, l’article 412 du Code d’instruction criminelle :

  • est-il contraire à l’article 10 bis, paragraphe 1er, de la Constitution en ce qu’il restreint l’accès de la victime au contrôle supérieur de la légalité en fonction de la nature de la juridiction, pénale ou civile, devant laquelle son action en indemnisation est portée ?
  • est-il contraire à l’article 10 bis, paragraphe 1er, de la Constitution en ce qu’il fait dépendre la recevabilité de la voie de recours extraordinaire de la cassation de la qualité de partie à l’instance ?

Dans son arrêt du 20 mai 2011, la Cour constitutionnelle a retenu que l’article 412 du CIC, en ce qu’il prohibe le pourvoi de la partie civile contre une décision d’acquittement sauf si la décision a prononcé contre elle des condamnations civiles supérieures à celles demandées par la partie acquittée, n’est pas contraire à l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution en ce qu’il restreint l’accès de la victime au contrôle supérieur de la légalité en fonction de la nature de la juridiction, pénale ou civile, devant laquelle son action en indemnisation est portée.

Pour ce qui est de la deuxième question de constitutionnalité lui déférée, la Cour a notamment constaté que

la situation de la partie civile dans un procès pénal est comparable avec celle du prévenu, au regard de la demande civile, dans la mesure où la première agit en qualité de créancière d’un droit dont le second est le recherché débiteur et que les deux parties sont ainsi unies dans un même lien d’instance concernant la demande civile;

(…)

suivant les textes en vigueur et l’interprétation qu’en donnent les tribunaux, le prévenu qui, accessoirement à une sanction pénale, a été condamné à une réparation civile, peut se pourvoir en cassation non seulement en ce qui concerne la sanction pénale, mais également en ce qui concerne la condamnation civile;

une des parties au procès, dispose, pour la même contestation, d’une voie de recours dont l’autre ne bénéficie pas;

La Cour en conclut que la limitation du droit de se pourvoir en cassation contre une condamnation civile au seul condamné au pénal, sans que pour les intérêts civils, la partie civile dispose d’un droit identique, n’est pas rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but et que l’article 412 du CIC est partant contraire à l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution.

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