Le festival annuel de l’automobile, dont l’édition 2011 a commencé le 29 janvier, avec ses conditions de vente et de financement attrayantes, est souvent présenté comme LE rendez-vous à ne pas manquer pour tous ceux qui veulent acquérir un nouveau véhicule.

Trop souvent, cependant, l’attrait de la bonne affaire mène à des décisions irréfléchies.

Nombreux sont ceux qui pensent pouvoir simplement annuler leur commande, une fois le constat fait que la nouvelle acquisition risque de dépasser leur capacité financière.

Or, dans la majorité des cas, tel n’est pas le cas.

Aux termes de l’article 1583 du Code civil, la vente est parfaite par l’accord des parties sur la chose et le prix.

Une fois ces conditions remplies, les parties sont engagées par un contrat qui, aux termes de l’article 1134 du Code civil, forme la loi des parties. En d’autres termes, il est, en principe, impossible de faire marche arrière – «pacta sunt servanda», pour les latinistes.

Le droit de la consommation assouplit la rigueur de ces principes, en prévoyant – mais dans certains cas seulement – un droit de rétractation au profit des consommateurs, dans les contrats qu’ils concluent avec des professionnels, en d’autres termes la faculté de revenir sur la décision d’achat.

Sans prétendre à l’exhaustivité, la présente contribution a pour objet de faire un bref tour d’horizon des principales dispositions sur la faculté de rétractation (A) et d’en analyser la portée (B).

A. Les principaux textes

Voici une présentation schématique des différentes lois luxembourgeoises qui prévoient un droit de rétractation au profit du consommateur, que la loi protège parce qu’elle présume qu’il est la partie «faible» lors de la négociation. Les textes seront abordés uniquement sous l’angle d’un contrat de vente.

a. La loi du 19 juillet 1987 concernant le colportage, la vente ambulante, l’étalage de marchandises et la sollicitation de commandes

Champ d’application du droit de rétractation: Contrats conclus par démarchage au domicile, au lieu de travail ou pendant une excursion organisée par le fournisseur professionnel en dehors de ses établissements commerciaux, entre un fournisseur professionnel et un consommateur final privé;

Délai: 7 jours à partir de la commande et 14 jours à partir de la réception du bien;

Mise en œuvre: Lettre recommandée avec accusé de réception;

Délai à défaut d’information préalable sur l’existence du droit de rétractation: action en nullité soumise à la prescription quinquennale de l’article 1304 du Code civil.

b. Loi du 16 avril 2003 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance

Champ d’application du droit de rétractation: tout contrat concernant des biens conclu entre un professionnel et un consommateur dans le cadre d’un système de vente à distance organisé par le professionnel qui, pour ce contrat, utilise exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat, y compris la conclusion du contrat elle-même, sauf (parmi d’autres exceptions), les contrats conclus par voie électroniques relevant de la loi du 14 août 2000 relative au commerce électronique;

Délai: 7 jours ouvrables au moins à partir de la réception du bien;

Délais à défaut d’information préalable sur l’existence du droit de rétractation: 3 mois à partir de la réception du bien; en cas de confirmation de l’information à l’intérieur du délai de 3 mois, le délai de rétractation est de 7 jours à compter du jour de la réception de l’information;

Mise en œuvre: par toute voie.

c. Loi du 14 août 2000 relative au commerce électronique

Champ d’application: Contrat conclus par voie électronique entre un professionnel et un consommateur;

Délai: 7 jours ouvrables à partir de la réception du bien;

Délais à défaut d’information préalable sur l’existence du droit de rétractation: 3 mois à partir de la réception du bien; en cas de confirmation de l’information à l’intérieur du délai de 3 mois, le délai de rétractation est de 7 jours à compter du jour de la réception de l’information;

Mise en œuvre: sur tout support durable.

d. Loi du 9 août 1993 réglementant le crédit à la consommation

Champ d’application: Contrat de crédit à la consommation consenti par un fournisseur, c’est-à-dire par tout prêteur autre qu’un établissement de crédit qui, en effectuant des ventes de biens consent un crédit à la consommation dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles, le contrat de crédit à la consommation étant défini comme un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à un consommateur un crédit sous forme d’un délai de paiement, d’un prêt ou de toute autre facilité de paiement;

Délai: 2 jours à partir de la conclusion du crédit auprès d’un fournisseur;

Mise en œuvre: par écrit, le délai étant observé si la déclaration de révocation est remise à la poste le dernier jour.

Manifestement, les trois premiers textes cités ne s’appliqueront guère dans le contexte d’une vente automobile. En effet, pour ce type de biens, la vente à distance et le commerce électronique ne sont pas (encore?) entrés dans les mœurs. Les ventes de voiture sont conclues dans les concessions des constructeurs, où l’acheteur a pu examiner un modèle d’exposition et même – le plus souvent – l’essayer.

En revanche, la loi sur le crédit à la consommation est importante dans ce contexte, car le prix d’une voiture dépasse le budget courant de plupart des ménages et la vente se fera donc souvent à crédit. Mais quels sont précisément les cas d’application de la faculté de rétractation prévue par ce texte (page suivante).

B. Analyse des textes et portée réelle du droit de rétractation dans le contexte de l’achat à crédit d’une voiture

L’article 18 de la loi du 9 août 1993 réglementant le crédit à la consommation dispose que:

Dans les contrats de crédit à la consommation visés par le présent chapitre, l’acheteur est autorisé de plein droit à se départir par écrit du contrat dans un délai de deux jours; le délai est observé si la déclaration de révocation est remise à la poste le dernier jour.

(…)

Avant le délai de révocation, l’acheteur ne peut utiliser la chose lui remise que dans la mesure usuelle pour un examen en bonne et due forme, faute de quoi la vente est réputée parfaite.

A priori ce texte paraît parfaitement protéger le consommateur.

Dans la mesure où une grande partie des ventes automobiles sont financées à l’aide d’un crédit, on pourrait donc croire que l’article 18 de la loi de 1993 sur le crédit à la consommation est de nature à permettre à de nombreux consommateurs de se rétracter de l’achat de leur véhicule, même si le contrat de vente ne s’est formé ni par démarchage à domicile, ni à distance, ni par voie électronique.

Mais à y regarder de plus près, une question vient à l’esprit: quels sont donc «les contrats de crédit à la consommation visés par le présent chapitre»? Et c’est effectivement là que le bât blesse.

Le texte cité ne s’applique en effet que dans l’hypothèse d’un contrat de crédit à la consommation consenti  par un fournisseur, c’est-à-dire par tout prêteur autre qu’un établissement de crédit qui, en effectuant des ventes de biens consent un crédit à la consommation dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles, le contrat de crédit à la consommation étant défini comme un contrat en vertu duquel un prêteur consent ou s’engage à consentir à un consommateur un crédit sous forme d’un délai de paiement, d’un prêt ou de toute autre facilité de paiement

Dès lors que le vendeur de la voiture et le prêteur ne sont pas la même personne, le droit de rétractation n’existe plus.

Et, comme tout le monde le sait, c’est de loin le cas de figure le plus courant, puisque les financements sont en règle générale proposés soit par une banque, soit par un organisme de financement dépendant du constructeur. Contrairement à ce qui se passe pour d’autres produits de consommation – on pense par exemple aux appareils électroménagers où les offres de paiements échelonné sont fréquentes – il est rare de voir un concessionnaire de voitures faire lui-même crédit à l’acheteur.

En d’autres termes, le droit de se rétracter du crédit et de la vente qui en dépend n’existe que dans le cas où c’est le vendeur lui-même qui consent le crédit, hypothèse qui devrait rarement se rencontrer en pratique, alors que, dans la plupart des cas, ce n’est pas le vendeur lui-même qui consent le crédit, mais un établissement de crédit tiers, même si, en pratique, les deux contrats sont souvent formés en même temps et lieu.

On le voit, la matière est très complexe. Aussi, nous ne pouvons que recommander à toute personne qui rencontre un problème de ce type de se faire conseiller par un professionnel du droit, et ce dans un délai rapproché.

Une remarque finale importante: Nous avons choisi de faire ici abstraction des hypothèses de nullité du contrat – l’erreur et le dol notamment – qui résultent du droit des contrats. Il peut cependant se présenter des cas de figure où le contrat de vente d’une voiture est affecté d’un vice qui entraînera sa nullité. Là encore, il faut recommander à tout personne qui estime avoir été trompée lors de la signature d’un contrat, de chercher le conseil d’un professionnel du droit.

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Daniel Weber est avocat au cabinet THEWES & REUTER, avocats à la Cour. Le présent article a également été publié sur le Blog de l’étude.

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